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Comment aider une victime de traumatisme ?

Le stress post traumatique est beaucoup plus sournois qu’une dépression et ça ne se soigne pas de la même façon.

Il faut qu’il y ait une prise en charge vraiment adaptée pour pouvoir accompagner ces victimes.

Que faire pour lui redonner le goût de vivre ? Comment sortir d’une impasse thérapeutique ?

La prise en charge de la victime se fera en plusieurs étapes :

L’importance de la souffrance est telle que ces différentes phases seront nécessaires, chacune étant essentielle.

La première étape sera celle de l’évaluation.

Cette étape servira à collecter des informations et permettra de définir le type de relation thérapeutique à adopter, de fixer des objectifs. En effet, l’alliance thérapeutique entre le patient et le thérapeute sera la base de toute démarche efficace. Il faudra donc un cadre rassurant ou tout pourra être exprimé sans crainte ni jugement.

L’accompagnement de la victime de trauma passera par l’écoute empathique et la relation d’aide. Certes le discours sera porteur de l’effroi et de la mort. Mais, ces récits traumatiques portés par les détails sensoriels seront les premières actions libératrices pour la victime. La confiance et le respect lors de l’entretien seront essentiels.

Il faut savoir que les répercussions sur la vie familiale, amicale, sociale et professionnelle seront variable d’une personne à une autre.

Chaque thérapie sera globale mais annexée sur le traumatisme subi et également sur les facultés de la victime à être résilient.

Résilience qui permettra non pas d’oublier l’événement vécu mais de reconstruire un nouvel équilibre de vie.

Les sentiments et impressions vécus après le drame et affronter le retour à une existence normale malgré le traumatisme seront très difficiles. Il faudra que la victime dévoile ses sentiments les plus profonds et qu’elle nous montre comment le quotidien réveille en elle les blessures invisibles.

La victime sera sûrement constamment en alerte. Pour s’en sortir, il ne faudra pas qu’elle ressente de haine ni de vengeance. Ce qui sera essentiel seront les liens d’amitié, d’amour et de solidarité.

L’évitement, l’instabilité, l’irritabilité seront des compagnons qui se seront incrustés dans sa tête, dans son corps et sur lequel elle n’aura pas de contrôle.

L’alliance entre reconnaissance sociale, réparations matérielles et une prise en compte individuelle pourrait offrir une possibilité de sortir du marasme et lui refaire reprendre goût à la vie.

Je pense qu’il est très important d’éprouver ses émotions et ses sentiments, de mettre des paroles dessus et d’y donner du sens.

Aider la victime à retrouver son autonomie, sa qualité de vie, sa confiance en les autres et en la vie est souvent un énorme défi thérapeutique.

En parlant, la victime trouvera sa juste place de victime et pourra la décrire. La parole pourra aussi être écrite. La victime pourra coucher sur papier le récit de l’événement traumatogène.

Le travail thérapeutique se fera en plusieurs étapes :

Comme je l’ai évoqué précédemment, le climat de sécurité devra être établi.

Il faudra favoriser la prise de conscience de l’émotion, identifier cette émotion, identifier les cognitions qui tendent à bloquer le processus émotionnel, analyser l’impact des émotions sur les symptômes et laisser s’exprimer les émotions et les apprivoiser.

La victime revivra des épisodes de reviviscences avec des images ou des sons qui la fera replonger dans l’événement et qui provoquera chez elle la même détresse que lors de l’événement initial.

La prise en charge de cette victime sera en premier lieu

  • De la rassurer,
  • De ne pas la laisser seule, en fait, il faudra la traiter comme un bébé.

En effet, si on force la victime en agonie à parler trop tôt on risque de renforcer son syndrome post -traumatique en stimulant sa mémoire traumatique car elle ne sera pas encore capable de gouverner l’horreur des images du drame.

Nous savons qu’il est trop tôt pour la faire parler quand la victime ne prend pas la parole spontanément. Ce temps dépendra de chaque personne et des facteurs de protections acquis. Il faudra donc attendre que la victime parle d’elle-même. Dès que la personne sera prête, le processus de guérison pourra alors commencer.

Le “déchocage” des premières heures permettra d’aider la victime, par une technique d’entretien, à sortir de cet état d’horreur, de dissociation. Il ne s’agira pas de forcer la personne à parler de ce qu’elle vient de vivre. Au contraire, il faudra l’aider à reprendre le fil de ses pensées, reprendre pied. Alors il faudra aller la chercher, ne pas attendre qu’elle fasse la démarche.

Dans les premières heures, il faudra éviter de demander aux victimes de raconter ce qu’elles ont vécu. Ce sera contre-productif. Demander à une victime sur place de témoigner quand elle est dissociée, c’est lui faire revivre le traumatisme, avec la même détresse interne, sans possibilité d’analyse.

Avec l’accord de la victime, on pourra revenir sur l’événement, comment elle se sent depuis, sa capacité à se projeter dans l’avenir, comment survivre et reconstituer un fil narratif. Le traumatisme n’a pas de sens, mais trouver un sens à sa continuité dans la vie en a en revanche.

Protéger, mettre en sécurité, rassurer et réconforter la victime et prendre en charge son état de stress ou de choc émotionnel sera primordial. Aller vers elle, s’assurer que ses besoins fondamentaux sont assurés (ne pas avoir froid, ni faim, ni soif, être à l’abri et au calme, ne pas être isolée). Donner des informations fiables, répondre aux questions concernant la situation, l’état des autres victimes, sur ce qui va se passer dans l’immédiat et plus tard.

Il est essentiel, de prendre en charge le choc psychotraumatique initial, la détresse et la souffrance psychologique, l’état de sidération, la dissociation traumatique et le stress aigu, ce qui permettra de prévenir la mise en place d’une mémoire traumatique à long terme. Il faudra que la victime puisse exprimer ses émotions (la peur, la tristesse, la rage, le désespoir, l’incompréhension,) et lui dire que ce n’est pas grave de pleurer, tout au contraire.

Partager ses ressentis, comprendre ses réactions seront très important pour l’apaiser et pour la déculpabiliser par rapport à une impossibilité de réagir (sidération), à un état de confusion, de perte de repères et d’anesthésie émotionnelle (dissociation), ou à des expériences d’angoisses extrêmes et d’état de panique. En effet, une étude sur 130 patients pris en charge le 13 novembre 2015 après les attentats, dans la mairie du XIe de Paris, a montré que 87 % des personnes ont éprouvé un apaisement après l’entretien. Et que cela facilitait également le recours ultérieur aux soins.

Nous l’avons vu les victimes sont souvent en état de dissociation, perdues, confuses, il est important de leur donner des repères, il faut leur parler, leur tenir un discours cohérent, rassurant, permettre de reprendre doucement contact avec la réalité.

Notons que rassurer la personne traumatisée sur son état est important, lui dire qu’avec ce qui est arrivé, il est normal d’avoir été terrorisé, dépassé par ses émotions, normal de n’avoir pas pu réagir sur le moment (sidération), normal d’avoir un sentiment d’impuissance très douloureux, normal de ne plus ressentir ses émotions et d’avoir un sentiment d’irréalité, de déconnexion, normal d’être perdue, ne plus savoir où on est (dissociation) ; normal également d’être envahis par des images atroces, de revivre sans cesse une ou des scènes, de réentendre des bruits, des cris, de ressentir à nouveau des douleurs, une panique (mémoire traumatique), mais qu’avec un accompagnement sécurisant et des soins cela s’atténuera.

La mémoire est remaniée car les patients vont intentionnellement chercher des mots et des nouvelles images pour faire leur récit, ce processus va leur permettre de se libérer des images traumatisantes.

Le signal d’alerte à observer en priorité est un état psychologique particulier : La dissociation. Dans la majeure partie des cas, l’impact traumatique se manifeste en effet par une réaction de détresse ou un état de dissociation, un état de conscience modifiée qui soustrait la victime à l’horreur de la situation. Le sujet éprouve alors une sensation d’irréalité, d’étrangeté, d’agitation, un comportement automatique. Ce sont les indices d’un traumatisme fort. On doit y prêter une attention particulière, le prendre en charge et le suivre.

La dissociation n’est cependant pas le seul facteur d’alerte, on peut citer aussi l’association de l’événement à un deuil, à une blessure physique, à des antécédents de troubles psychiatriques ou de traumatismes. Beaucoup de victimes, non blessées, ne se rendent pas compte qu’elles sont dans cet état dissocié, ou ne sentent pas légitimes de demander de l’aide car elles en ont réchappé.  

Pour la victime, bénéficier du soutien, de la reconnaissance, de la solidarité, de la compréhension, de l’accompagnement et de l’aide des équipes de secours et de son entourage est salvateur, et représente un atout énorme pour se reconstruire. Il ne s’agit pas que la victime fasse à tout prix le récit de ce qui s’est passé, dans un premier temps c’est trop difficile et cela réactivera les sentiments de terreurs.

La disjonction traumatique au moment du stress extrême, fait que tout ce qui se passe après elle, est engrangé comme un magma indifférencié dans l’amygdale cérébrale, il faudra un travail patient pour tout remettre en ordre chronologique, pour reconstituer, nommer, comprendre ce qui a été vécu, ressenti de façon cohérente, intégrable, sans revivre aussitôt l’état de sidération qui va faire redisjoncter le circuit.

Cela peut se faire grâce à la construction d’une analyse précise et pertinente, et d’une organisation chronologique cohérente, du déroulement des violences, des mises en scène des agresseurs et du vécu émotionnel et comportemental des victimes, qui permettra à la victime de récupérer une capacité de contrôle émotionnel.

Avec cette capacité, les circuits émotionnels et de la mémoire ne disjoncteront plus à chaque évocation, la victime ne sera plus dissociée et la mémoire des violences pourra alors s’intégrer petit à petit en mémoire autobiographique.

Parallèlement l’identification de la mémoire traumatique permettra à la victime de séparer ce qu’elle est, de ce qui la colonise et provient des violences et des agresseurs. Elle sera alors libérée de la haine et de la destruction que l’agresseur a déversée en elle, et pourra s’éprouver à nouveau telles que retrouver sa personnalité et son estime de soi.

Il s’agira donc, en d’autres termes, de faire des liens en réintroduisant des représentations mentales pour chaque manifestation de la mémoire traumatique de réparer l’effraction psychique initiale, la sidération psychique liée à l’irreprésentabilité des violences.

Pour revisiter le vécu des violences, il faut accompagner pas à pas la victime dans le cadre sécurisant de la psychothérapie, pour que ce vécu puisse petit à petit devenir intégrable, car mieux représentable, mieux compréhensible, en mettant des mots sur chaque situation, sur chaque comportement, sur chaque émotion, en analysant avec justesse le contexte, ses réactions, le comportement de l’agresseur.

Cette analyse poussée permettra au cerveau associatif et à l’hippocampe de reprendre le contrôle des réactions de l’amygdale cérébrale, et d’encoder la mémoire traumatique émotionnelle pour la transformer en mémoire autobiographique consciente et contrôlable.

Le but de la prise en charge psychothérapique, sera donc de ne jamais renoncer à tout comprendre, ni à remettre en sens.

Tout symptôme, tout cauchemar, tout comportement qui n’est pas reconnu comme cohérent avec ce que l’on est fondamentalement ou ce que l’on devrait être, toute pensée, réaction, sensation incongrue devra être disséquée pour la relier à son origine, pour l’éclairer par des liens avec les violences subies.

Par exemple une odeur qui donne un malaise et envie de vomir se rapporte à une odeur de poudre ou de sang, une douleur qui fait paniquer se rapporte à une douleur ressentie lors de l’agression, un bruit qui paraît intolérable et angoissant est un bruit entendu lors des violences comme les bruits de tirs ou d’explosion lors de cet attentat.

Rapidement, ce travail se fera quasi automatiquement chez les personnes traumatisées et permettra de sécuriser le terrain psychique, car lors de l’allumage de la mémoire traumatique le cortex pourra désormais contrôler la réponse émotionnelle et apaiser la détresse, sans avoir recours à une disjonction spontanée ou provoquée par des conduites dissociantes à risque, les atteintes neurologiques pourront se réparer grâce aux capacités de neurogénèse et de neuro-plasticité du cerveau.

Les proches pourront aider les victimes à rechercher les liens qui déclenchent sa mémoire traumatique pour l’aider à mieux la contrôler. Ce qui est crucial, c’est que les proches restent calmes, confiants, parlent à la victime pour la ramener dans le monde actuel, en la rassurant et en lui décrivant ce qui se passe, ce qui permettra de l’aider à le sortir du passé où la mémoire traumatique, véritable machine à remonter le temps, l’a bloquée. Plus la victime et leur entourage comprendront ce qui se passe, plus la mémoire traumatique pourra être contrôlée et désamorcée.

Comme nous l’avons vu, pour éviter d’allumer cette mémoire traumatique, tant qu’elle n’est pas désamorcée, la victime sera obligée de mettre en place des stratégies de survie coûteuses, souvent handicapantes comme les conduites d’évitement, et parfois dangereuses, incompréhensibles et paradoxales, comme les conduites à risque et les mises en danger.

Devant tous ces comportements déstabilisants, déconcertants et angoissants, l’entourage ne doit pas s’en prendre à la victime, ni paniquer. Il est tout à fait contre-productif de faire la morale à la victime. L’entourage devra donc être solidaire et bienveillant avec la victime. Il devra la soutenir, l’accompagner, l’aider à trouver les ressources qui lui sera le plus utiles, respecter son temps, ne rien lui imposer, mais l’informer sur ses droits et lui proposer des démarches.

On peut dire qu’il n’y a pas une résilience mais des résiliences car chaque résilience est unique et dépend de l’âge de la personne, de ses gènes, de l’intensité du traumatisme et de sa durée, de l’entourage affectif et de l’environnement socio culturelle. Les facteurs de résilience sont donc différents d’un individu à l’autre.

Si les personnes restent seules, on peut supposer que le pourcentage de résilience sera faible et s’ils sont entourés il est certain qu’il sera plus fort.

BIBLIOGRAPHIE UTILES

  • Gérer le trauma erik de soir editions de Boeck
  • Les événements traumatiques / Claude Barrois / DUNOD
  • Le bout du tunnel / Dr Daniel DUFOUR / Les éditions de l’homme
  • Dépasser ses traumatismes Sylvie Tenenbaum / Leduc Editions
  • Fragments post traumatiques vie continue / Benjamin Vial
  • Les névroses traumatiques / Claude Barrois / Dunod
  • Processus psycho-pathologiques / Elsevier Masson
  • La dépression, une épreuve pour grandir ? Moussa nabati
  • ecni référentiel de psychiatrie et addictologie
  • deuil et mélancolie sigmund freud
  • la dépression jean vanier
  • abc de la relaxation jacques choque
  • comment aider les victimes souffrant de stress post traumatique pascal brillon

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